Laury Guillien

Diplômée en Design Objet, 2022

laury.guillien@ensad.fr

https://www.instagram.com/lauryguillien/

https://projet-phenicie.com/

Laury Guillien est designer objet et matière, diplômée de la HEAR en 2020 et de l’EnsAD en juin 2022. Elle prépare un projet de thèse qui porte sur l’élaboration de matériaux biodégradables en cendres de bois – projet Phénicie – au sein du laboratoire EnsadLab. Cette recherche fait suite à l’écriture d’un mémoire intitulé Les déchets organiques : une histoire de design ? rédigé en 2020-2021 sous la direction d’Alexandre Fougea. Le travail de Laury se situ à la croisée de différents domaines et propose une vision du design collaborative où le rôle de chaque acteur est essentiel. Son intérêt pour les nouveaux matériaux – à impact positif – l’a conduit a travailler en tant qu’assistante du designer Samuel Tomatis. En septembre 2022, certaines pièces du projet Phénicie ont été exposées à l’Académie du Climat lors d’une exposition intitulée DESIGN FOR A WILD WORLD dans le cadre de la Paris Design Week.


Phénicie

L’utilisation des cendres de bois de chauffage domestique comme charge minérale dans un matériau biosourcé, biodégradable et recyclable doublée à la mise en place d’une filière de valorisation permettrait-elle de prendre en charge une ressource existante et à terme, de limiter l’utilisation de certains matériaux – aux propriétés similaires – issus de la pétrochimie ? 

Le projet Phénicie – dont le nom rend hommage à la civilisation qui aurait donné vie au mythe du Phénix, l’oiseau qui renait de ses cendres – a pour objectif de concevoir des matériaux en cendres de bois qui intègreront un cycle biologique tout en étudiant les possibilités de mise en place d’une filière de valorisation du gisement. Les qualités esthétiques ainsi que les propriétés mécaniques des matériaux permettront de cibler des usages pertinents, et ce en travaillant en étroite collaboration avec de multiples disciplines telles que l’histoire, la chimie, la sociologie, l’agronomie, l’artisanat, l’ingénierie et le design. En valorisant l’ultime résidu qu’est la cendre, en tentant de sublimer ce qui n’est que poussière, ce sont également les dimensions sensibles et symboliques qui font le cœur de Phénicie. 

À l’origine du projet, il y a différents constats. Premièrement, le gisement de cendres est conséquent puisqu’il est estimé à 400 000 tonnes chaque année et est produit par plus de 7 millions de foyers qui se chauffent au bois. Il faut savoir que la valorisation des cendres à domicile reste marginale, souvent par manque de temps et d’information et donc qu’une grande partie du gisement est évacué vers les unités d’incinération avec les ordures ménagères. Nous pouvons également considérer que le nombre de foyers se chauffant au bois va croitre en raison de l’augmentation des coûts des autres énergies et de la baisse du pouvoir d’achat. Aussi, les cendres de bois présentent des qualités agronomiques. Elles sont composées de calcium, de silice, de potassium, de magnésium et de phosphore ; sachant que le magnésium et le phosphore sont deux des trois principaux composants des engrais de synthèse – avec l’azote. En plus de fertiliser les sols, les cendres vont avoir un effet alcalinisant permettant de réguler leur acidité en raison de leur pH élevé. Enfin, le chauffage au bois est une énergie renouvelable et les appareils utilisés sont de plus en plus performants afin de diminuer les émissions de particules nocives ; notamment  grâce au label flamme verte qui va attribuer un nombre d’étoiles à ses appareils selon différents critères. 

Après une première phase de recherches et d’expérimentations et l’obtention de deux typologies de matière : souple et rigide, il est devenu important de définir quelles applications pouvaient avoir les matériaux Phénicie. Deux grandes familles d’objets ont émergées ; des objets dont la fonction première serait de retourner à la terre et où l’utilisation des cendres de bois comme charge minérale ferait véritablement sens (urne funéraire Philppa et arroseurs autonomes Phin) ; puis des objets dits « démonstrateurs » qui visent à mettre en avant les qualités esthétiques des matériaux en cendres (tabouret Philéas et petite maroquinerie). 

Nota bene. Tous les noms des objets Phénicie commencent par les lettres pH en écho au « potentiel hydrogène » qui permet de déterminer le degré d’acidité d’une substance.


Urne funéraire Philippa

En concevant des urnes en cendres de bois, le but était de proposer une manière symbolique de rendre hommage à nos proches disparus qui soit aussi vertueuse pour l’environnement. L’urne contiendrait les cendres du défunt ainsi qu’une graine d’arbre et de la terre. Une fois l’urne inhumée nous pourrions assister à la naissance de l’arbre qui deviendrait le lieu de recueillement. Les cendres de bois ainsi que celles du défunt assureront la croissance de l’arbre et la bonne santé de son sol. L’idée serait qu’après la mort – celle de l’être aimé et de l’arbre coupé pour être consumé – vient une forme de renaissance. 

Nota bene. Les cannelures permettant au delà de leur fonction esthétique permettent de multiplier les surfaces d’échange entre le matériau et la terre afin d’augmenter la circulation de l’eau et des nutriments. 


Arroseurs autonomes Phin

L’utilisation d’arroseurs autonomes ou oyas – jarres en terre cuite avec couvercle – est une technique d’irrigation qui remonte à plusieurs milliers d’années. À la différence d’un système d’arrosage goutte à goutte qui favorise l’évaporation, les oyas permettent d’économiser jusqu’à 70% d’eau car l’apport se fait par l’intérieur. Les racines des plantes se fixent tout autour du pot et viennent prélever par capillarité – grâce à la porosité des surfaces de la jarre – la quantité d’eau dont elles ont besoin. Les matériaux rigides du projet Phénicie présentent un état de surface poreux, ce qui a conduit à faire l’hypothèse que concevoir des arroseurs en cendres de bois pourrait être pertinent puisqu’ils auraient le double avantage d’économiser l’eau tout en palliant l’ajout d’engrais de synthèse.

Nota bene. Les cannelures permettant au delà de leur fonction esthétique permettent de multiplier les surfaces d’échange entre le matériau et la terre afin d’augmenter la circulation de l’eau et des nutriments.


Tabouret Philéas

Le tabouret Philéas est composé d’un piétement en hêtre massif et d’une galette en cendres de bois interchangeable. En fin de vie les éléments emprunteront deux voies de valorisation différentes : la galette retournera au sol ou sera recyclée et le piétement pourra être consumé et devenir à son tour cendres avant de renaître de celles-ci.


Petite maroquinerie

Les matières souples du projet Phénicie ayant un aspect proche du cuir, il semblait impensable de passer à coté de la réalisation de petite maroquinerie. Différents accessoires ont été dessinés afin d’expérimenter la confection en collaboration avec Anaïs Jarnoux, artisane spécialisée en tapisserie d’ameublement. La majorité des pièces ont été cousues main avec la même technique que pour la couture du cuir : en faisant des pré-trous à l’alêne ronde et en utilisant le point sellier.


Paris Design Week 2022