Diplômée en scénographie en 2022
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À propos
De ma première formation à l’École Nationale Supérieure d’Architecture de Montpellier, je garde avec moi un regard sensible non seulement sur l’espace, mais sur son outil et sujet, le corps, pièce maîtresse dans la conception des volumes de toute ampleur. C’est d’abord l’envie de comprendre la matière et de maîtriser les échelles qui m’amène à voir que tous les ingrédients qui fabriquent le bâti entretiennent des connexions subtiles avec le corps. Que les vibrations de la matière débordent largement sur l’organisme et sur nos sentiments. Que ces espaces dont nous concevons les plus invisibles recoins peuvent être à l’origine de nos comportements sociaux, intimes et politiques.
C’est au cours d’une année de césure en Asie du sud-est, et notamment après plus de quatre mois passés à découvrir l’Inde, que je comprends que toutes ces données sont déjà présentes dans notre environnement. Bien que l’architecture ait largement supplanté les milieux de vie naturels des êtres humains, la nature ne cessera d’exercer sur nous, êtres vivants, un puissant pouvoir.
Je m’ouvre alors une porte, après avoir poussé celle du chorégraphe et scénographe Aurélien Bory, pour apprendre à travailler la scène, lieu de pouvoir et d’exaltation du corps. Je suis touchée par ce que je vois, par ce que j’entends, les rythmes effrénés des corps épuisés et le tempo du son qui les accompagne.
J’intègre en 2020 le master scénographie de l’École Nationale Supérieure des Arts Décoratifs, après une licence professionnelle de scénographie théâtrale et événementielle à la Sorbonne-Nouvelle. Mon travail porte depuis sur la question du corps transcendé, sur le possible progrès de l’humain sur lui-même, non pas d’un point de vue matériel ou technologique, mais par un chemin qui récolterait le plus de données possibles sur notre capacité à émettre et à recevoir un certain nombre d’informations subtiles. J’envisage l’art vivant comme un moyen de mettre en lumière ces recherches.
Si c’est un jour, allons-nous-en
Si c’est un jour, allons-nous-en est une installation performative présentée pour mon diplôme à l’ENSAD. J’utilise le noir et le silence comme matières premières d’un espace d’ailleurs. Ces ailleurs que sont l’invisible, l’indicible, l’intangible. Matières de projection, matières de recueillement, matière spirituelles. Si Claude Régy parlait du silence comme « ce qui nous relie véritablement », je tente ici de chercher notre propre espace de silence en mettant en scène l’écho d’une goutte d’eau qui chute ponctuellement sur un tambour, outil de transcendance emprunté au chamanisme mongol.
C’est un dispositif sonore et visuel dans lequel les quatre éléments sont invités à composer ensemble un tempo. La densité de l’eau contenue dans une goutte chute dans l’air par la gravité. Elle devient un moyen d’activer le son du tambour, instrument de la terre, pour ensuite glisser sur sa surface et rejoindre une flaque, reflet d’un envers, que ses semblables ont commencé à construire. Le feu, lumière sacrée, révèle ce phénomène. L’impact sonore de cette goutte est progressivement amplifié. Ainsi, ce point lumineux qui nous apparait faible au loin se révèlera avec intensité, un «ploc» anodin prendra l’amplitude d’un gong. Un appel à l’attention et à nos connexions subtiles avec le vivant. Tel est le rêve qui anime ce projet. Une invitation à puiser dans nos entrailles pour se réconcilier avec l’absence, éloigner la peur de voir surgir nos sens tabous.
Le travail du son est pensé pour l’espace qui accueille l’installation. Les moyens techniques et la configuration de la salle créent des zones de « tension » sonore avec lesquelles je joue. Au delà d’un certain volume, un phénomène de rétroaction génère une boucle qui agit ici comme une onde enveloppante. Ainsi le son révèle progressivement l’espace : l’écho de cette goutte prend de plus en plus de place. Le noir et le silence, aussi pleins que possible, gomment dans un premier temps les informations concernant le volume de l’espace dans lequel on se trouve. Ils sont travaillés comme de véritables matériaux plastiques. Dans une progression quasi imperceptible, un impact vient remplir ces absences pour résonner en chaque corps. Il s’agit de laisser place à un invisible bien là qui tente de s’exprimer dans une société où les cinq sens ont pris le monopole du corps sensible. Si chaque sens désigne une partie visible de notre corps, notre existence ne s’arrête pourtant pas à ce que l’on peut voir de ces, nos, corps.
Partir, lâcher-prise, s’en aller là où rien n’est plus rationnel, et que cela soit considéré comme naturel, intrinsèque à notre espèce. Se battre pour laisser exister nos a-perçus, nos visions et nos impressions. Je me demande s’il est possible de bâtir de nouveaux sens.