Thomas Merceron

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D’une formation de design Graphique à Duperré en passant par l’ERG de Bruxelles, Thomas Merceron a pu affiner ses réflexions personnelles et artistiques au cœur des Arts Décoratifs de Paris, en Image Imprimée.
Le dessin lui apporte la possibilité d’aller à l’essentiel, de communiquer rapidement ou subtilement ce qu’il souhaite montrer. Ce qui compte, c’est de donner à voir aux spectateurs quelque chose qui les pousse à se rapprocher, à regarder, à se questionner. Le but est qu’ils observent, pour finir indirectement par déambuler dans l’image en se laissant transporter par les formes qui leur sont proposées.

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L’édition retrace le parcours psychologique d’un individu lors d’une de ses balades en fin de journée. Deux chemins s’entrecroisent alors, celui qu’il prend avec son corps, et celui qu’il engage dans son esprit.
Il se projette à travers des éléments de décor qui constitue son environnement, jusqu’aux extrêmes que sont les atomes et l’univers au moins observable.
C’est en prenant en compte que toute chose est faite de matière, d’énergie et surtout de vide, qu’il réussit à incarner au moins en partie toute chose dans le monde.
Mais quel rôle a-t-il à jouer ? Quelle place occupe-t-il dans tout cela? Question commune aux réponses très personnelles, ici, le personnage l’aborde sous des angles méditatifs à travers la contemplation, la projection, et l’incarnation de soi dans le monde.
Plus concrètement, plutôt que de chercher un sens à sa vie et d’en déduire où il se trouve, il tente d’accepter la place qu’il considère avoir en tant qu’homme au milieu d’un monde qui ne dépend pas de lui, qui ne lui demande rien d’autre qu’être ce qu’il est, au même titre qu’une pierre ou d’un oiseau. Par le biais d’une matière commune, la frontière entre lui et tout objet devient infime. Il devient alors tout élément qui existe. Il est à la fois dans le monde, et est le monde.

« C’est la fin de journée, tout s’arrête là où commence ma balade. J’expire, un souffle sur mes lèvres.
Je sens mon corps en mouvement qui passe dans un décor changeant, je sens mes vêtements sur ma peau, mes cheveux sur mon front, une fraîcheur sur mes joues, la paume de mes pieds sur le sol.
Et j’entends ce sol sous mes pieds, l’herbe, le bitume, les graviers aussi. J’entends les feuilles des arbres, j’entends le vent, j’entends le vent qui passe dans les feuilles des arbres. J’entends ma chemise qui frotte, des voitures au loin, ma respiration ; j’entends.
Plus facile encore, je vois, j’en vois même trop, trop pour tout voir vraiment. Mais je sens que je vois avec des yeux neufs, je vois ce sol sur lequel je marche, ces reliefs, ces cailloux, cette terre molle, ce sol rigide et constant. Je vois mes mains et mes pieds, et moi, soudain, dans un décor que je ne vois pas encore. Tout est flou lorsque je me regarde, je me sens être moi dans un corps étranger.
Ca y est, je le vois, je le regarde, je les regarde tous, ses éléments qui s’offrent à moi en foule, simultanément – et cela fourmille de choses, de détails, et de couleurs. Je les regarde ces nuages qui me surplombent, qui s’enlacent et se déchirent, dérivent doucement pour disparaître dans le ciel. Ils ne sont plus là. Si, ils sont là, encore, dissipés, juste au-dessus de moi. Et ces rochers, ces reliefs, cet horizon qui est fixe. L’horizon est trop lent pour moi. Pourtant il bouge, immobile. C’est sans doute une histoire d’échelle.
Ne suis-je pas lent pour ce moucheron sur la paume ? Après tout, que peut bien voir un moucheron qui bouge sans cesse, qui décide de changer de direction à toute allure ?
Comment me verrait l’horizon si il pouvait me voir ? Et pourra t-il même m’apercevoir ? M’aura-t-il raté, forme trop brève ? trop rapide ?
Je sens le mouvement de chaque chose et mon propre mouvement dans leur courant. Je sens cette vie, tout autour, et ma vie par elle. Je me sens vide et pourtant si plein de ce monde. De ce tout, dont je suis la somme et la partie.
Je me sens être, enfin, j’inspire pleinement. »