Diplômé en Image Imprimée (2022)
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Instagram : https://www.instagram.com/clementclausse/
Tel : 0674366418
Après avoir obtenu un diplôme à l’École Estienne en DMA Illustration, puis à l’École Nationale Supérieure des Arts Décoratifs de Paris dans le secteur image imprimée, ma pratique artistique embrasse à la fois toutes les étapes de conception du livre mais aussi celles de l’impression de l’image, que celle-ci soit artisanale (gravure, sérigraphie, lithographie) ou numérique (impression laser, jet d’encre, traceur), sur papier ou sur textile, afin de créer un univers d’images qui questionne le rapport de l’image unique au multiple, du livre d’art à l’album à stickers.
À la place des oiseaux
À la place des oiseaux est la mise en scène d’un ensemble d’images imprimées qui prend ses racines dans ma maison du souvenir (selon le terme employé par Bachelard dans La poétique de l’espace). Cet espace se divise en deux parties, comme une scène de théâtre, avec un côté cour qui serait l’intérieur de la maison, et un côté jardin représentant l’extérieur de celle-ci.
Dans ce décor tapissé se raconte un récit en trois chapitres.
Chapitre 1 : l’inquiétante familiarité
introspection
faire le point
un coup d’oeil
en arrière
pour mieux se projeter
le départ
une cage
représenter
pour comprendre
familier devenu
étranger en devenir
Le point de départ du projet vient de mon attachement pour la maison de ma grand-mère. Les maisons des grands-parents sont des lieux que l’on est amené fréquenter de moins en moins si l’on s’installe loin de chez eux. La rareté des allées et venues à l’intérieur de celles-ci provoque un phénomène étrange; Ce qui était familier devient étrange et fait naître un sentiment d’inquiétante étrangeté. La maison hantée représente assez justement cette sensation. Par définition, la maison hantée est une demeure visitée par des esprits, des fantômes, et sujette à des phénomènes paranormaux.
Dans cet environnement, l’espace de la maison est reconstitué à travers une multitude de cadrages resserrés autour d’objets flottants devant un papier peint des années 70. Les motifs aux murs ont été réalisés à partir des motifs existants encore aujourd’hui dans cette maison. Ils ont été retravaillé au pochoir puis imprimé en impression laser afin d’obtenir un décalage avec les luxueux papiers peints imprimés dans certaines manufactures, ce qui correspond plutôt aux papiers peints bon marché que l’on trouvait dans les années 70, appelés aussi papiers peints cauchemars.
« Ça c’est un comble, voilà à quoi on est réduit, des draps. » Beetlejuice, Tim Burton (1988)
Cette série de dessins flottants est envisagée comme un ensemble de fantômes : Ce qui m’intéresse avec la figure du fantôme, c’est qu’elle soulève une question de temps – sur le même principe que celui du souvenir, ça revient d’avant pour faire ressurgir à la mémoire des souvenirs réels ou imaginaires. Les fantômes peuvent s’incarner à travers des objets qui nous évoquent un souvenir. À travers une fouille dans ma mémoire, ces objets de décoration deviennent des artefacts.
Dans l’histoire du fantôme, il existe deux grandes catégories :
Le fantôme du lien (généalogique) et le fantôme du lieu (le spectre enfermé dans un périmètre clos). Les fantômes dont je parle sont ambigus car à mi-chemin entre ces deux catégories :
ils sont intimement liés aux lieux mais ils n’existent qu’à travers le lien familial.
L’ensemble de cette constellation de dessins laisse une impression d’énigme :
Dans les histoires d’épouvante, le fantôme est là pour une mission, délivrer un message que les vivants devront réaliser afin qu’il puisse se libérer. Mon passé familial m’a hanté toute cette année, me plongeant dans un limbe, ce même espace entre-deux où les fantômes sont coincés. Cet ensemble a été pour moi le moyen de me libérer du poids de ces souvenirs.
La technique du fusain m’a permis de noircir le papier, jouer avec la matière. Dans l’ensemble,
je souhaitais donner un réalisme trop maniéré pour être photographique. Le dessin me permet de traduire cette idée de souvenir mystique.
motifs répétitifs
raccords angoissés
identité en crise
d’où est-ce que je viens ?
Dans la continuité de cet ensemble, une tapisserie fait office de transition vers le deuxième chapitre. Cette tapisserie s’intitule Le passant et prend la forme d’un rideau à traverser. Le fait de regarder derrière les rideaux avec indiscrétion est un geste routinier dans mon village familial. Les motifs
se font reflets des vitres de la fenêtre, masques qui traversent les visages. Les personnages à grande échelle vous regardent dans les yeux, telles les premières représentations pétrifiantes de Méduse.
L’angoisse du papier peint prend vie au travers de cet objet,
et les fantômes semblent sortir de la tapisserie.
Chapitre 2 : la fuite nocturne
les oiseaux s’échappent de leur cage
s’accrochent aux étoiles filantes
dans une direction à suivre
errer sans but précis
sous contrainte trans–
-fugue de classe en pleine nuit
Cette deuxième étape nous montre une trajectoire en ligne de paysages nocturnes aux ciels étoilés.
C’est une série de talismans, précieux par leur format et le large cadre blanc, des lucarnes qui demandent à ce que l’on s’arrête dessus pour en saisir tous les détails dans l’obscurité. Cette série s’appelle Dix-sept manières de faire un souhait. Une superstition populaire consiste à faire un voeu au moment du passage d’une étoile filante au-dessus de notre tête afin de l’exaucer. Ces talismans ont pour vertus d’exaucer mes voeux de fugue.
Série de dix-sept manières noires imprimées sur papier Arches avec encollages japon colorés. (30x40cm)
L’aspect fantastique des images renverrait aux vertus que je prêtais, enfant, à la nature et aux étoiles, et notamment aux étoiles filantes très visibles depuis le village car le ciel était dépourvu de pollution lumineuse la nuit. À l’époque, mon souhait le plus cher était de partir, de m’échapper du village pour fuir vers un destin glorieux, urbain, où je serais libéré de ma famille. Comme dans les écrits de certains transfuges de classe, Édouard Louis ou Didier Eribon, la fuite était un moyen de survie et ma survie dépendait de la fuite.
Un encollage coloré pose un filtre sur les petits paysages, mettant en évidence leur aspect fantastique, dramatiques ou kitschs. Cependant, au lieu de représenter le réel, j’ai gravé des paysages mentaux, en référence aux paysages état-d’âme du XIXème siècle. Ces décors où la nature est omniprésente, sans présence humaine et qui traduisent des sentiments intérieurs, de la nostalgie, ou de la mélancolie. Ce sont des images simplifiées, comme des miniatures, qui empreintent à un registre figuratif pour aller vers une simplification des formes paysagères tendant du côté de l’abstraction.
Chapitre 3 : l’échappée belle
on s’évade
comme dans les films
à moto ou en alpha roméo
mon roméo et moi
on se fait la belle
les dieux grecs
de nos livres d’histoire
sont avec nous
ils dansent
sur de la pop américaine
L’échappée belle est une escapade, une virée dans un endroit agréable que l’on découvre; C’est également un court voyage par lequel on se libère des contraintes. Ce dernier chapitre échappe au papier peint qui était en arrière-plan jusqu’alors, et se déploie dans un ensemble de livres. J’envisageais ici l’espace du livre comme un espace de jeu et de poésie. Avec ce projet, j’ai réfléchi au rapport direct entre le texte et l’image à travers différentes rencontres entre des garçons :
La rencontre à travers les oiseaux dans Garçons Volages, se construit à partir d’une banque d’images personnelle et met en lien différentes captures de films pour créer un teaser éditorial. Lorsque conçois des livres, ils sont construits comme des films; Le texte est sonore, le rythme varie et certaines images se fixent sur notre rétine. Les oiseaux se font passeurs entre les personnages, révèlent leurs liens et font avancer le récit. C’est un livre aérien où le défilement des pages permet de s’envoler à travers le texte et les silhouettes évidées.
Le texte est court, c’est plutôt un poème qui s’appuie sur un franglish qui lui donne une sonorité particulière et qui fait écho aux différents registres cinématographiques qui s’y croisent, l’antagoniste du film d’horreur culte américain Scream de Wes craven interagit avec Vincent Lacoste, brouillant la frontière entre le film hollywoodien et le film d’auteur français.
Garçons Gazons est quant à lui un livre pensé en strates.
Il évoque l’histoire d’un barbecue entre voisins, de tonte de pelouses dans un lotissement. À mesure de la tonte, on effeuille le livre aux pages transparentes et au vert artificiel que l’on retrouve dans les décors faits en studio de certains films. C’est une romance à l’eau de rose, qui tourne court, avec pour fond musical le titre acidulé Call me maybe de Carly Rae Jepsen.
Je voulais faire un livre qui donne envie de s’enfoncer dans la pelouse mais qui est aussi frustrant qu’un rendez-vous manqué. Mes idoles adolescentes Zac Efron ou Edward aux mains d’argent discutent devant ces pelouses de studio flashes. Et la besogne quotidienne de la tonte prend une allure d’évasion fantasmée.
À quoi va ressembler
ce parcours
une fois
les oiseaux
partis ?
à l’École nationale supérieure des Arts Décoratifs de Paris, 2022 © Béryl LIBAULT