Hugo Vessiller–Fonfreide

Diplômé en Art/Espace – 2020

@hugo.vessiller.fonfreide

hugo.vessiller.fonfreide@gmail.com

très brève relation – ENSAD 2020 — crédits photo: Mathieu Faluomi

Mon travail se veut avant tout être un État des Choses de ce Monde. À travers la re-présentation d’objets appartenant au répertoire des biens de grande consommation, je mêne une double enquête : d’une part l’analyse de mon propre rapport, circonstanciel et identitaire, à ces objets, et d’autre part celle du rapport que le public entretient à la réalité composée par ces phénomènes.

Aucune abstraction, peu de poésie : mes pièces sont des témoignages directs des rapports entretenus vis-à-vis de ces artefacts. Leur remise en question n’est ici ni sociologique, ni sémiologique, mais avant tout plastique. Quelle est la place prise par ces formes dans l’expérience quotidienne, quel est leur impact dans notre appréhension de la réalité ? Comment, à travers des vocabulaires plastiques variés, peut-on voir émerger un mythe particulier, et comment chacun, de l’artiste aux masses laborieuses, peut s’emparer, détourner et finalement recréer un monde plastique qui lui convienne ?

Loin de prétendre fournir une réponse à ces questions, je propose plutôt des chemins de traverse, qui seront autant de circonstances singulières, d’occasions de voir sous un angle nouveau notre réalité commune. 

au milieu des choses au centre de rien, sixième monstre – avec Arthur Guespin & Emploi Fictif — Aubervilliers 2021

seul ce qui brille —

C’est par l’énergie déployée – au sens propre comme au figuré – par l’artiste Hugo Vessiller–Fonfreide, que la serre d’Arthur Guespin s’est convertie en territoire magnétique sous le hangar de la Villa Mais d’Ici à Aubervilliers.

L’installation se veut un dialogue avec Arthur Guespin, qui donne à voir les énergies invisibles, naturelles et artificielles avec lesquelles nous cohabitons. Cimetière alcalin éclairé par la sculpture-lampe de l’artiste, l’ensemble se conçoit comme un état des lieux du rapport que nous entretenons avec les biens de grande consommation. Caractéristique de l’obsession de l’artiste pour des objets dont il dissèque les composantes techniques, l’œuvre pensée par Hugo Vessiller–Fonfreide, libre inspiration d’une série de tableaux dans lesquels il prend des piles pour modèles, est un compendium de ses recherches plastiques passées et présentes.

Chaque pile, perdue dans un flot où l’on se surprendrait presque à vouloir plonger, est un objet cata- lyseur de fantasmes autrefois légitime désormais démodé. Un temps synonymes de la réalisation de toutes nos utopies, ces condensés d’énergie portatifs encombrent plus qu’ils ne libèrent ; progrès chimériques entraînant une relative maîtrise d’énergie dans des circuits fermés, ils immortalisent une forme d’échec collectif embarrassant. Installation monumentale construite par l’accumulation d’objets constituant un bloc indivisible et quasi-mouvant, l’œuvre nébuleuse d’Hugo Vessiller–Fonfreide inspire autant qu’elle inquiète. La présence de ce corps ondoyant composé de déchets toxiques et délétères devient une manière pour lui de nous rappeler que la dématérialisation de plus en plus prégnante dans nos modes de productions « ne s’accompagne pourtant pas d’une réelle épuration de la sphère matérielle 1 ».

La puissance lumineuse des tubes fluorescents semble être alimentée par un transfert d’énergie généré par la multitude d’éléments disparates sur lequel il repose. Comme pour sublimer ces rebuts séduisants, la torche conçue par l’artiste fait reluire cette avalanche d’objets singuliers aux inscriptions et prove- nances les plus diverses. Signes à déchiffrer, les nombreux messages délivrés par ces bâtons jetables et chimiques convoquent un langage cryptique dont l’artiste s’empare aussi dans ses toiles. Mettant ici en lumière ces objets jusqu’alors profondément ancrés dans nos sociétés et malgré tout en train de s’en abstraire sans que l’on n’en ait véritablement conscience, l’installation évoque une obsolescence non programmée et pourtant effective, une temporalité qui nous dépasse, une dégénérescence active sur laquelle nous n’avons déjà plus aucune prise.

Le caractère esthétique de cette marée métallique s’est révélé à mesure que le soleil s’en est allé, jusqu’à devenir un territoire dystopique, timidement caché par la toile à peine opaque du dispositif d’exposition. Une fois la nuit tombée et aperçue de loin, la serre est un point lumineux parmi d’autres, un lointain souvenir de nos envies passées, un astre déjà mort qu’on ne peut pas s’empêcher d’admirer. Une fois seule dans l’obscurité, l’installation s’est changée en constat évident, terriblement beau mais pesant : il est dans la nature humaine de vouloir s’emparer de tout ce qui brille.

Devenue espace d’exposition impraticable, l’installation n’est plus visible que de l’extérieur. Depuis ses lucarnes s’observe un sol jonché de piles qui scintillent comme autant de munitions sur lesquelles marcher devient un acte périlleux. Elles sont le souvenir impérissable – ou presque – d’un passé qui ne semble pas vouloir s’effacer, d’objets qui ont peuplé nos quotidiens et dont l’essence – bien qu’eux ne soient plus – persiste.

Sarah Lolley & Camille Velluet

1 Hugo Vessiller—Fonfreide, des objets au travail – attaque éclair, 2018.

Morceaux choisis

la vie intense — peinture acrylique sur bois – série en cours
monstres — acier, tubes fluorescents, objets – série en cours
armes à feu de bois — bois et matériaux divers – série en cours
terrain — peinture et matériaux divers – série en cours
polychrome — peinture acrylique sur verre, acier, éclairage – 2020
démonstrations — performances, tables, objets choisis – 2016 —— 2020

M34: pleiades — peinture acrylique sur bois – 2020

Hugo Vessiller–Fonfreide est né en 1994 en Bourgogne du sud. Titulaire d’un baccalauréat STI arts appliqués, il a étudié le design graphique à l’école Estienne avant de s’orienter vers les arts visuels à l’ENSAD. Il vit à Paris, et partage son temps entre sa pratique personnelle et l’enseignement de la sculpture.