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La vie du téléphone
Installation, photographies, étagères en bois, plaques de verre, 2021.
J’ai depuis longtemps éprouvé une sorte de fascination pour l’imagerie érotique et pornographique, notamment dans sa façon de dévoiler l’intimité, et dans sa manière d’alimenter l’exhibitionnisme.
Avec le temps mon goût pour cette même imagerie mais cette fois ci sous son aspect amateur, s’est affirmé. La photographie érotique et pornographique amateur incarne une certaine sincérité, une innocence, autant dans ses défauts formels qu’a travers les personnes qui y sont capturées, bien que leurs auteurs tentent souvent d’imiter la photographie dite professionnelle. Naturellement, j’ai voulu créer moi même ces images de fantasmes.
Régulièrement, je photographie des amis et connaissances nus, dans des cadres généralement peu propices à la nudité, la plupart du temps dans des endroits publics. Pour chacun d’entre eux, j’agis de la même façon. Je leur donne systématiquement des indications froides ou énigmatiques pour les faire poser, de sorte à ce qu’ils ne se sentent pas conditionnés dans une attitude stéréotypée voire sexuelle.
Les poses de ces modèles reprennent certains aspects des photographies érotiques amateurs que j’ai pu collectionner (des images que les gens gardaient dans la sphère intime, tirées généralement sur un format standard), mais aussi de revues pornographiques gay des années 1970 et 1980 de mauvaise qualité, ou encore de catalogues comme ceux de La Redoute ou Raja, qui présentent souvent leurs produits mis en situation par des personnes dont les attitudes sont maladroites et désincarnées.
De toute évidence, l’idée de photographier ces hommes nus dans des endroits semi publics ou publics ne soit pas vraiment autorisé (comme des parkings ou des abords de parcs), crée pour moi comme pour le modèle une tension assez étrange mais bénéfique, mêlée d’excitation et de peur. Nous nous sentons tout à coup vulnérable, et le danger devient le temps de quelques secondes excitant.
La plupart des tirages que je présente, mesurant tous 10×15 cm, sont disposés à la verticale sur plusieurs fines étagères en bois réalisées en fonction. Ces tirages sont disposés de façon à faire croiser le regard des modèles (puisque leur regard se porte généralement sur ce qu’il y a en dehors du cadre), comme s’ils pouvaient à travers les images communiquer entre eux, notamment à l’aide du téléphone. Les modèles se cherchent, s’observent. Pourtant, ces interactions ne sont que des rendez-vous manqués, des rencontres qui n’ont pas lieu, puisqu’ils restent seuls dans chacune de leur image.
Né en 1997, Augustin Puzio est un photographe et auto-éditeur qui vit et travaille à Paris.
Diplômé en juin 2021 de l’école des Arts Décoratifs de Paris, ses travaux photographiques et éditoriaux s’inscrivent principalement autour de la question de l’érotisme et de la figure de la voiture, à travers son goût pour les travaux amateurs, les fanzines et les images d’archives.