Diplomée en scénographie (2020)
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Biographie :
Esther Denis (Bruxelles – 1996), artiste plasticienne et scénographe.
Son premier contact avec les arts et la scène se déroule sur le plateau de La Monnaie à Bruxelles. Choriste au sein des Chœurs d’Enfants, elle a, durant une dizaine d’années, habité le temps des répétitions et des représentations, les univers de metteur.e.s en scène d’opéra, dont Guy Joosten, David Freeman, Alex Ollé et Valentina Carrasco ou encore Romeo Castellucci.
Ces expériences nourrissent l’envie d’en connaître davantage sur les arts scéniques et sonores. Assez naturellement, elle choisit d’étudier la scénographie. À l’École nationale supérieure des arts visuels de La Cambre à Bruxelles. Pour le master, elle intègre l’École nationale supérieure des Arts Décoratifs à Paris où l’approche pluridisciplinaire reliant art, science et technique lui permet de développer une réflexion sur le vivant et sa représentation au travers d’un travail plastique.
Au croisement de l’art vidéo et de l’optique, de la création sonore et olfactive, de la chorégraphie et de la taxidermie, elle appréhende l’espace comme une composition picturale où les médiums, pratiques et imaginaires se superposent, s’entremêlent pour suggérer toute la complexité du vivant. Elle y fait se côtoyer technologies actuelles et dispositifs anciens de représentation dont le diorama, le miroir noir ou la camera obscura.
L’étant, sa première installation immersive, est exposée à la Grande Halle de La Villette à Paris (2021), aux Serres de Pantin et au Teatros del Canal à Madrid dans le cadre de l’exposition Máquina Mística (2022) ainsi qu’au Point Commun – espace d’art contemporain (2023) et au CWB à Paris dans le cadre de la Biennale NOVA_XX (2024). En 2022, la galerie Sainte Anne à Paris accueille son premier solo show Inflorescence. En 2023, elle présente Echo, une première exposition à Bruxelles dans le cadre du PhotoBrusselsfestival.
Parallèlement à cette démarche, elle entretient un lien particulier avec l’espace scénique. Elle participe, depuis des postes très différents, à la création de plusieurs opéras et productions théâtrales à La Monnaie à Bruxelles, au Théâtre National Wallonie-Bruxelles, à la LOD muziektheater à Gand, au Théâtre Nanterre-Amandiers ou encore au Théâtre du Soleil,… Ce parcours se poursuit aujourd’hui en collaborant avec plusieurs metteur.e.s en scène, chorégraphes, scénographes, dramaturges dont Emanuelle Nizou, Louise Vanneste, Sophie Warnant, Nicolas Mouzet Tagawa et la chercheuse et metteure en scène, Frédérique Aït-Touati au sein de la Compagnie Zone Critique.
L’étant
Encadrer l’infini
Un visage, des yeux avec au centre une pupille noire, un miroir noir.
Le Miroir noir, ou Miroir Claude, est un petit objet optique, convexe, teinté de noir, circulaire ou rectangulaire, très prisé par les artistes et les promeneurs de la fin du XVIIIe siècle. Il encadre les sujets qui s’offrent à lui, en souligne les intensités lumineuses, accentue les contrastes et, surtout, reflète le monde en noir et blanc. Ainsi, il met en scène le réel, l’installe à distance, organise sa représentation, délimite notre rapport à l’environnement ; il métamorphose la réalité en un tableau.Prenons l’exemple de la Forêt de Fontainebleau. En 1861, elle est encadrée par une mesure de préservation ordonnée par Napoléon III et devient alors le premier site naturel protégé au monde. Cette décision visait à conserver la dimension artistique du site, elle entendait protéger le « point de vue » des peintres.
Nous vivons aujourd’hui une crise écologique, qualifiée également de crise de la sensibilité. L’installation L’étant s’y intéresse du point de vue des outils et dispositifs qui ont participé à cette transformation du vivant en décor. Il s’agit, entre autres, du miroir noir, du diorama et des camera obscura et lucida. Ces dernières subliment le jeu de la représentation. Au moyen d’un trou ou d’une lentille, elles permettent une image inversée, fragmentée et poudrée de l’extérieur. Comme l’écrivait le peintre David Hockney qui a travaillé sur cette gémination de l’art du pinceau et des outils de la science en démontrant l’utilisation des instruments optiques dans la réalisation des œuvres : « C’étaient des projections vivantes ; autrement dit, s’il y a des fleurs, ces fleurs finiront par mourir. Si c’est une personne, elle finira par bouger ».
L’étant puise son esthétique dans cet entrelacement de l’histoire de l’art avec celle des sciences.
Une nappe d’eau noire dans une salle noire. Des narcisses au bord de l’eau. Une vanité sous la forme d’une pintade naturalisée. Dans l’eau trouble, les reflets d’un autre monde. Au centre, des ombres passent sur un miroir de nacre, que des gouttes font osciller. Le reflet de Narcisse, la chaire de sa peau qui se mêle à celle de la rivière ; ils ne font qu’un. Dans l’air, l’écho fantomatique d’un paradis. L’ombre, le reflet et l’écho, les « figures du double », selon l’expression du philosophe Clément Rosset, à la fois garantes de la réalité et facteurs d’illusion.
L’installation a pour ambition de politiser l’émerveillement, de renouveler notre intérêt pour le terrestre, sa beauté et ses mystères. L’étant est un œil proposant un regard autre sur le vivant. Cet émerveillement s’ancre au cœur d’un diorama ; un dispositif scénographique permettant, historiquement, la reconstitution naturaliste d’un monde fantasmé par la mise en mouvement d’une peinture. Il se caractérise par sa dimension formelle : l’aménagement d’éléments en volume devant une toile peinte rétro-éclairée. L’objet diorama fascine tant par sa dimension technique (réalisme, effet d’illusion…) que par sa finalité liée à la possibilité d’un monde issu d’un autre temps et d’un autre espace.Optique et mapping vidéo, odorat et nappes sonores, taxidermie et chorégraphie se superposent pour multiplier les voies d’accès à l’imaginaire tout en complexifiant, et en magnifiant, un rapport cosmogonique au vivant. « Paradis » est précisément le nom donné aux dioramas associant des objets réels (reliques) à d’autres dits artificiels (artefacts). « Ces choses, parce qu’elles sont fausses, sont infiniment plus près du vrai » écrivait Baudelaire dans son Salon de 1859. L’installation suggère une coexistence du réel et de l’irréel, du visible et de l’invisible, du vivant et de l’inerte, de l’ombre et de la lumière…
L’étant tente d’être le simulacre de cet infini sous nos pieds.
Avec le soutien de la Chaire « Jeune création et sacré », initiée par la Fondation d’entreprise AG2R LA MONDIALE pour la Vitalité artistique en partenariat avec l’École des Arts Décoratifs (Paris)